Et tant pis si, lors de la délibération de juillet 2000 (ou RFF n'était qu'observateur), les "décideurs" Rhône Alpins n'ont pas pensé à ce que deviendrait cette ligne historique. En effet, quelle étude préalable de faisabilité pour vérifier que c'était raisonnablement atteignable à tous points de vue, en particulier financiers ? pour vérifier qu'il n'y avait pas d'effets pervers ? bref que c'était jouable" ? Tout se passe comme si on a pensé que RFF n'aurait qu'à se débrouiller... Fâcheux déni de la réalité (ou si l'on préfère, oubli d'une importante contrainte institutionnelle).
Ce petit rappel pour expliquer qu'il y a un conflit latent depuis près de 10 ans entre l'échelon central parisien et celui des grands élus régionaux / locaux, et que ce conflit est en train d'apparaître au grand jour. Et voilà qu'en plus des Ministères des Finances et de l'Equipement (qui ont toujours été fort discrets), la Cour des Comptes s'y met aussi ! Logique : elle a plus vocation à élever le ton que les deux premiers. Or de tous les grands projets d'infrastructure, le Lyon-Turin est de loin le plus onéreux ! Et peut-être pour la plus faible utilité !
Alors pourquoi ne l'enterre-t-on pas une bonne fois pour toutes au niveau central ? Parce qu'il y a au moins deux "petits problèmes" :
* le premier est diplomatique avec le traité de Turin de Janvier 2001 (ratifié par les parlements en 2002) : la France s'est liée à l'Italie dans cette affaire,
* le second provient de la dimension européenne (mise surtout en avant pour faire payer Bruxelles). Ainsi a-t-on rapidement engagé d'importants crédits communautaires (672 millions d'Euros) dans les trois descenderies en Maurienne : c'était le principe du fameux "seuil d'irréversibilité" qu'il fallait atteindre très vite pour qu'il ne soit plus possible de revenir en arrière... (quel aveu de faiblesse pour un projet !). Avec quelle DUP ? Ah, c'est vrai, ce n'étaient pas des travaux, mais des "études"... Et lesdits crédits, il va falloir - en principe - les rembourser si on ne fait pas le tunnel transfrontalier ! De quoi mettre quelques-uns dans une situation peu confortable ?
Donc le rapport de forces n'est pas si défavorable que cela, nonobstant le rapport de l'EUP. Au contraire, j'ai tendance à l'interpréter comme une tentative - désespérée ? - pour essayer de renverser un cours des choses de plus en plus défavorable.
Après les CTCS (commision territoriales de concertations et de suivis qui apparaissent a priori comme une pseudo-concertation supplémentaire pour essayer d'arrondir quelques angles sans rien remettre en cause), les prochaines étapes devraient être :
* sur le plan réglementaire : l'enquête loi sur l'eau. Les passages par la Basse Bourbre et par le marais d'Avressieux, y seront-ils aussi sévèrement épinglés que par l'Autorité Environnementale avant l'EUP ?
* et surtout sur le plan judiciaire : ce sera la contestation de la DUP devant les juridictions administratives, probablement jusqu'en conseil d'état. Est ce que les recours sont suspensifs? mais si c'est le cas, ça va être difficile de mettre en oeuvre la DUP avant la fin de sa validité. Et sans être devin, il est douteux qu'elle soit prorogée en 2017.
En tout cas ce qui est très fâcheux, c'est que cette DUP va bloquer pendant 5 ans tout investissement environnemental sur la ligne historique... car il sera présumé inutile "puisqu'on va faire le Lyon-Turin" (antienne reprise en boucle depuis près de 10 ans...).
Les nuisances et les risques qui menacent le lac du Bourget, notamment ceux dus au fret, vont donc y perdurer pendant encore pas mal d'années. Au vu des intentions qui animaient les conseillers généraux savoyards en juillet 2000 lorsqu'ils ont délibéré, on ne peut qu'être confondu par l'écart entre ces intentions, remplies de sollicitude pour le lac et les riverains de la ligne, et la réalité qui leur est aussi obstinément contraire.
Vous avez dit "clairvoyance" ?